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Les quotients conjugal et familial en France


Le quotient conjugal et le quotient familial appliqués au calcul de l'impôt sur le revenu est une particularité de la fiscalité française. Selon deux études de l'Insee, ces quotients bénéficient globalement aux familles d’autant plus fortement qu’elles sont aisées financièrement.

Le quotient conjugal en France avantage les hauts revenus et nuit au travail des femmes

En France, les couples mariés ou pacsés doivent déclarer ensemble leurs revenus en bénéficiant de deux parts. Ce dispositif, appelé quotient conjugal, représente à peu près 10 milliards d’euros, soit 12 % des recettes de l’impôt sur le revenu (IR). Ce quotient est une spécificité française : « Aucun autre pays que la France n’applique un système de part fiscale, à l’exception des États-Unis  » note l’étude de l’Insee. Quelques rares pays ont un système d’IR intégralement individualisé, les autres proposent un transfert possible de revenu d’un conjoint à l’autre, un crédit d’impôt ou un abattement pour le conjoint.

Le système du quotient conjugal est d’autant plus avantageux pour les couples mariés/pacsés par rapport aux couples concubins que les revenus des deux conjoints sont différents. Toutefois, les concubins choisissent lequel d’entre eux s’attribue les parts pour leurs enfants communs et peuvent donc minimiser le montant de l’impôt. L’avantage lié au quotient conjugal, lorsqu’il existe, croît avec les revenus et plafonne dès lors que le revenu imposable par part se situe au-delà d’un million d’euros (dernière tranche de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus). L’avantage maximal du quotient conjugal des couples monoactifs (un seul membre déclare des revenus) est de 32 350 € par an. L’avantage est nul ou presque pour les mariés ou pacsés ayant chacun des revenus sensiblement équivalents ou pour ceux qui seraient non imposables s’ils étaient imposés séparément.

L’étude montre que le quotient conjugal crée des désincitations au travail pour le conjoint dont le revenu est le plus faible, souvent la femme (trois quarts des femmes en couple gagnent moins que leur conjoint). Ce que les auteurs résument par la formule : « travail rémunéré pour Monsieur et travail domestique pour Madame... ». Le quotient conjugal repose sur une conception datée des mœurs. En 1945, un projet de loi défendait ainsi le quotient familial : « Il est immoral de frapper d’une taxe progressive les revenus du ménage réunis sur la tête du chef de famille, avantageant ainsi le concubinage. » Or, depuis, l’union libre est devenue courante, le recours au divorce facilité, etc.

L’étude simule trois réformes : une individualisation de l’impôt, la réduction à 1,5 part du quotient conjugal au lieu de 2 en ouvrant la possibilité pour les couples mariés/pacsés d’opter pour une imposition individuelle, et enfin le plafonnement du quotient conjugal au même niveau que le quotient familial. L’individualisation conduit au gain fiscal le plus élevé, environ 7 milliards d’euros, contre 3,8 milliards pour le quotient conjugal à 1,5 part et 3 milliards pour le plafonnement du quotient conjugal. Dans ces trois réformes, respectivement 46 %, 45 % et 7 % des couples sont perdants. Les pertes médianes correspondent respectivement à 1,5 %, 1,3 % et 2,6 % du revenu disponible des ménages concernés. Enfin, respectivement 60 %, 64 % et 83 % des perdants se situent dans les trois derniers déciles de niveau de vie, les 30 % des foyers fiscaux disposant des plus hauts revenus. Le quotient conjugal

Les quotients familial et conjugal avantagent les foyers fiscaux les plus aisés

Une autre étude de l’Insee s’intéresse aux effets budgétaires et redistributifs de l’imposition conjugale et familiale des revenus en France. Dans le système fiscal français, l’impôt sur le revenu (IR) est l’un des principaux instruments de la redistribution verticale, c’est-à-dire le long de l’échelle des niveaux de vie. Plus on gagne, plus l’impôt augmente. La progressivité du barème de l’IR réduit donc davantage le niveau de vie des plus riches que celui des plus pauvres. Mais, en raison de composantes conjugales et familiales dans son calcul, l’IR implique aussi une redistribution horizontale, selon la configuration des ménages quel que soit leur revenu, d’une part en direction des couples mariés et pacsés et d’autre part en direction des familles avec enfants. Il s’agit des quotients conjugaux et familiaux : les couples mariés ou pacsés bénéficient de deux parts, les enfants à charge procurent une ou deux demi-parts.

En comparant l’impôt sur le revenu en 2017 à une situation fictive où il serait individualisé, les effets des quotients conjugal et familial sont massifs et font en grande majorité des gagnants : 13 millions de ménages sont gagnants, pour un total de 27,7 milliards d’euros. 1,1 million de ménages sont perdants, principalement en raison du quotient conjugal, non compensé par les gains du quotient familial. 40 % de l’effet total est dû au quotient conjugal et 60 % au quotient familial. Les 15 % de personnes les plus aisées sont celles qui bénéficient le plus du quotient conjugal (48 % des gains contre moins de 25 % pour les 50 % les plus modestes).

Le montant moyen des gains augmente avec le niveau de vie : il est de 812 € en moyenne pour les 145 000 ménages imposables gagnants appartenant aux 10 % les plus modestes et de 4 549 € en moyenne, soit 5,6 fois plus, pour les 1,9 million de ménages gagnants appartenant aux 10 % les plus aisés. Pour les auteurs de l’étude, le système des quotients conjugal et familial « bénéficie globalement aux familles d’autant plus fortement qu’elles sont aisées financièrement ».

Source : Économie et statistiques n° 526- 527, 2021, Insee.

Jean-Pierre Druelle et François Jabœuf